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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

Elle eut de la peine à se lever, à marcher dans le salon et en arrivant devant la glace, plutôt par habitude qu’avec intention, elle fut stupéfaite de voir les ravages survenus en une heure dans sa belle figure.

Des sentiments, des pensées, des désirs qu’elle croyait morts depuis bien longtemps se réveillèrent en elle. Elle se vit tout à coup dans un abîme : elle eut honte du luxe autour d’elle, de l’équipage dans lequel elle roulait, tandis que d’autres foulaient la pierre froide avec des semelles lacérées, du tapis moelleux semblant caresser son pied, des diamants reflétant leurs feux sur sa gorge.

Son cœur restait toujours froid, vide ; mais son orgueil, ses sentiments d’honneur étaient piqués, se révoltaient à la pensée qu’elle était méprisée, elle qui ne se croyait qu’adorée, enviée.

Mue par une idée subite, elle s’élança à travers l’enfilade de ses beaux appartements vers la petite chambre où son enfant dormait dans son berceau richement paré, s’agenouilla, baisa la petite main aux doigts potelés, aux ongles roses, qui s’allongeait sur le duvet en soie, la replaça doucement et se sentit soulagée, lorsque ses larmes tombèrent brûlantes sur son bras.

La nourrice, étonnée, la regardait la bouche ouverte, mais elle ne disait rien.