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NOUS AVIONS MIS SUR PIED SEIZE BANNIERES

Gansélès, le chevalier lorrain, est prêt à tirer le roi et le public de toute espèce de doute ; il n’a nullement besoin que l’archevêque lui dise : « Parle ! » Il s’avance jusqu’à la rampe, relève sa visière et s’écrie :

Nous avions mis sur pied seize belles bannières.

Au moment même où la figure caractéristique d’homme de bourse du débutant se montre enchâssée dans le casque, un spectateur se met à rire bruyamment et d’autres l’imitent. On a reconnu le chevalier lorrain à l’olympe et au parterre. Mais rien ne saurait mettre un frein à son flux de paroles, débitées du nez, de la gorge. Il voit la lorgnette de la plus belle des princesses fixée sur lui ; il voit même à ses pieds, près de la rampe, son tailleur auquel il doit soixante-quinze florins ; mais il ne perd pas contenance pour cela. Il arrive à la fin de son récit :

C’était plus qu’un combat, Sire, une boucherie.
Deux milliers d’ennemis sur le sol étendus !
Sans compter la horde, dans le fleuve engloutie ;
Et de nos combattants, ni cent, ni un perdus.

Quelques mains applaudissent. La galerie, mieux entendue, siffle comme un seul homme, d’un sifflement sec, bref, de serpent-monstre, qui étouffe l’applaudissement et étouffe aussi Gansélès. Le