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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

que vous êtes une femme et qu’il est possible que je me trompe, que semblable sentimentalité vous paraisse méprisable.

— Andor ! s’écria la générale d’une voix émue, l’œil plein de reproches.

Il n’eut pas l’air de faire attention.

— Dans votre monde, ajouta-t-il d’un ton calme, mesuré, vous n’en serez pas moins estimée parce que la richesse qui vous entoure provient d’une source que nous autres nous appelons malhonnête. La richesse est toujours respectée ; vous pouvez être tranquille, générale, vous n’entendez pas ce que dit le peuple, ce que dit cette folle mais courageuse masse de pauvres gens laborieux luttant infatigablement pour vivre. Mais malheur à vous si jamais « cette voix de Dieu » se fait entendre, annonçant sans pitié votre condamnation ! malheur à toute cette société bâtie sur la duperie, cimentée avec la sueur, les larmes, le sang des travailleurs, si jamais ces mêmes hommes flétris, trompés, moqués viennent assiéger la porte de vos palais, de vos villas, comme jadis lorsque la guillotine faisait tomber la tête des aristocrates et des prêtres !

— Vous m’épouvantez, Andor.

— Comment cela serait-il possible, générale ? Vous ne connaissez pas la pauvreté ; vous ne savez