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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

aussi parfaite que l’imagination d’un Raphaël ou d’un Gœthe a pu en rêver, celle qu’il avait aimée, alors qu’elle était jeune fille.

Cette émotion avait été, d’abord, toute-puissante ; il sentait son cœur se briser ; tout souffrait en lui. Sans l’expérience qui lui avait appris à cacher ses sentiments, à les déguiser comme les autres, il se serait jeté à ses pieds pour s’écrier : « Je t’aime ; tu es la seule que j’aie aimée, la seule que j’aimerai : mets ton pied sur ma nuque, si tu veux, mais ne me repousse pas loin de toi. »

Mais tout bon que nous le savons, Andor était comme les mauvais de son temps, c’est-à-dire assez pratique pour comprendre qu’un pareil aveu, un semblable abaissement n’eût fait qu’égayer la générale, sans être de la moindre utilité pour lui. Il s’efforça donc de paraître froid et il y réussit. Il fut même glacial.

— Mais vous ne me dites rien, s’écria enfin Hanna. Se seraient-ils trompés, ceux qui… qui ont prétendu que j’avais quelque influence sur vous, qui en me voyant m’intéresser à vous et à vos nobles efforts, ont eu l’idée que vous aussi vous vous intéressiez à moi, et à cause de cela m’ont confié la mission de…

— La mission de quoi faire, générale ? demanda Andor tranquillement.