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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

s’y glissait parfois une erreur, l’erreur avait été commise sérieusement, honnêtement. Les politiques, les spéculateurs, les artistes et les auteurs savaient les uns et les autres que les collaborateurs de cette feuille étaient incorruptibles. C’était ainsi que toute louange de la Réforme avait son poids ainsi que tout blâme et que, lorsqu’elle attaquait, elle blessait à mort ou anéantissait complétement celui contre qui elle s’élevait.

À la Bourse aussi, on reconnaissait depuis longtemps que l’Incorruptible, avec ses beaux articles financiers, ne faisait que faciliter, cacher les spéculations de son directeur, tandis que la Réforme rendait toujours compte des opérations sans s’écarter du sujet et sans esprit de parti.

On lisait volontiers l’Incorruptible, mais on avait foi en la Réforme. Cette dernière feuille n’inspirait l’effroi qu’aux gens mal famés, tandis que la première faisait trembler même les gens de bien.

Plant savait qu’il n’avait à craindre que la Réforme et combien il devait la craindre. Cette certitude le rendait furieux contre les deux rédacteurs du journal. Il dut se raisonner lui-même, imposer le silence à ses propres sentiments, avant de se décider à faire auprès de la rédaction ennemie une démarche aussi importante que pénible.