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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

Lorsque Andor annonça tristement à son ami Wiepert que Messaline ne serait plus jouée au théâtre de la cour et qu’il ne se sentait pas le courage de la faire représenter ailleurs, pour y obtenir peut-être le même insuccès, le directeur de la Réforme prit une paire de ciseaux et se mit à découper un journal en petites bandes. Après s’être livré à cet exercice un certain temps avec beaucoup d’application, il dit à son compagnon :

— J’aurais une observation à vous faire, mon cher Andor, mais je ne voudrais pas qu’elle vous blessât.

— Il n’est rien qui puisse me blesser sortant de votre bouche.

— Alors, prenez bien garde ; il est arrivé pour vous le moment critique de ce danger auquel succombent quatre-vingt-dix-neuf écrivains sur cent ; le danger de regarder favorablement les œuvres des autres. Vous avez fait de votre mieux, sans obtenir le résultat que vous espériez, sur lequel vous pensiez avoir le droit de compter. Ayez sans cesse devant les yeux maintenant que ceux de nos critiques qui sèment des épines sur le chemin de tout talent créateur et égarent le public sont des poëtes, des peintres ou des musiciens n’ayant pas réussi. Ils ont tous essayé de produire quelque chose de grand, et, n’y étant pas parvenus,