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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

La salle devint aussitôt silencieuse et attentive. Chacun sentait qu’il s’agissait de quelque chose d’extraordinaire. Dans les loges, les dames elles-mêmes interrompirent leurs rires, leurs bavardages avec leurs adorateurs.

Dans la scène avec le valet de chambre, le talent de Valéria rompit pour la première fois les liens dont l’avait enveloppé l’esprit matérialiste de l’époque. Elle se révéla subitement en entier ; et, surprise elle-même de la puissance qu’elle se découvrait, ravie des accents qu’elle trouvait en elle, elle grandissait de phrase en phrase, de parole en parole. Les spectateurs muets, presque effrayés, devinaient qu’elle mettait dans la pièce de son cœur, de son sang.

Au moment où elle cria à la femme de chambre : « Dois-je assumer sur ma tête l’exécration de mon pays, ou bien veux-tu que l’effroyable bruit de semblables larmes me courbe jusqu’à terre ? » elle devint si grande, elle subjugua si bien le public, que ce qui n’avait jamais été arriva : elle fut couverte d’applaudissements dans le courant de la scène.

Vint ensuite le dialogue avec Ferdinand. Elle était devenue tout à coup grande actrice ; elle grandit avec le rôle et le rôle grandit par elle. Sa phrase finale : « Gardez-vous le mieux que vous