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VALÉRIA REMPORTE UNE VICTOIRE

chambre à la fenêtre, « la parade est finie, mais je ne vois toujours pas Walther. »

Valéria se leva pour traverser le théâtre et dit :

« Je ne sais comment je suis aujourd’hui, Sophie. Jamais je ne m’étais vue ainsi. »

Il y avait en elle la même apathie, la même lassitude de corps que pour Adélaïde dans Gœtz de Berlichingen.

« Tu ne le vois donc pas ? » ajouta-t-elle.

Elle avait dirigé son regard vers la salle et venait de reconnaître Andor.

Alors, dans les veines de cette femme froide, méprisant les hommes, courut l’étincelle de Pygmalion qui anima Galathée. Qu’était pour elle le public ? Pour qui se fût-elle mise en frais ? Mais voilà qu’elle découvrait tout à coup un homme surexcitant son talent, chaque fibre de son âme. Elle se redressa de toute sa hauteur ; ses yeux noirs commencèrent à briller ; elle redevint en ce moment cette même femme dont les cheveux dégageaient des étincelles électriques et elle commença à jouer sérieusement.

« Que l’on m’amène le cheval le plus fougueux de mon écurie ! Il faut que j’aille dévorer l’espace ! »

Les mots retentirent brefs aux oreilles du public, électrisant Andor comme un coup de fouet de la main d’une femme.