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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

ta-t-elle. Oui, oui… Ne me suivez pas, Andor… Je retourne chez moi.

— Elle se mit à marcher rapidement, puis à courir.

Andor la perdit bientôt de vue.

Aux premières lueurs grises du jour, au moment où le train s’avançait, une femme horriblement pâle se plaça entre les rails du chemin de fer.

La locomotive soufflait bruyamment, jetant du feu des deux côtés ; les deux lanternes rouges ressemblaient à deux yeux flamboyants. Le fanion sale du garde-barrière se balança ; le tintement monotone du signal électrique retentit dans l’air comme un glas funèbre et la femme pâle se coucha en travers des rails.

« N’avoir plus conscience de soi » murmurait-elle.

Le train reprit sa marche et fila rapide.

À l’orient venait de se montrer une bande blanche. Les arbres se redressaient au vent du matin comme s’ils eussent dormi ; les moineaux criaient sur la haie verte, et l’éclat de la dernière étoile pâlissait dans le bleu du ciel. Puis la bande à l’orient grandit, commença à briller et la première alouette s’éleva dans l’air en chantant.

C’était une matinée parfumée, fraîche s’il en fut.