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N’AVOIR PLUS CONSCIENCE DE SOI

folle ? Ce serait une consolation de n’avoir plus conscience de moi-même.

Elle couvrit à deux mains sa figure en feu et garda le silence.

— Reprenez courage, chère Julie, commença Andor. Acceptez mon aide, mes services ; je vous conduirai chez une personne respectable qui vous protégera avec plaisir, qui vous ouvrira sa maison et après…

— Oui après qu’arrivera-t-il, Andor ? murmura Julie. Je n’ai pas le courage d’être bonne ni celui de devenir mauvaise. N’avoir plus conscience de moi-même, ce serait bon, ce serait ce qu’il y aurait de mieux. Ah ! si je pouvais seulement travailler ; mais j’ai été élevée pour le plaisir et maintenant je n’ai aucun empire sur moi. Par le travail j’aurais été sauvée ; mais telle que je suis je succomberai tôt ou tard ; je ne puis donc compter sur aucune aide. Il y a si peu de cœurs purs, Andor ; le mien aussi est gâté, affreusement gâté. Je ne saurais redevenir ce que j’étais. Andor, gardez votre cœur pur, c’est ce qu’un homme peut avoir de plus beau.

Elle se leva et regarda son compagnon d’un air étrange.

— N’avoir plus conscience de soi-même, répé-