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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

avoua qu’elle était la plus malheureuse femme du monde, que son mari était brutal, jaloux, infidèle, qu’elle avait souvent pensé à se donner la mort et qu’elle ne renoncerait à cette résolution que si elle était aimée par un homme au cœur noble et pas jeune : les jeunes gens sont tous sans cœur.

Cet aveu grandit Rosenzweig de deux pouces et le rajeunit de vingt ans. Il parla en termes des plus choisis de ses sentiments pour Julie, la charmante petite Julie qu’il avait si souvent fait sauter sur ses genoux quand elle était enfant. Il remonta si haut le courant des souvenirs que Julie, la grande belle baronne Julie, se laissa tout à coup tomber contre sa poitrine et ne lui défendit pas de l’embrasser.

En ce moment critique parut le baron le chapeau sur la tête, une grosse canne à la main. Il regarda le joli tableau et commença à se mettre en fureur, menaçant sa femme de la tuer, Rosenzweig de l’assommer. Bref, il joua si bien le jaloux que le banquier, voyant Julie les cheveux épars, aux genoux de son mari, ouvrit précipitamment la fenêtre pour appeler au secours.

— Appelez, s’écria Keith ; plus il y aura de témoins, mieux cela vaudra. Nous en ferons un procès à huis-clos qui n’aura pas son pareil dans la justice. Accourez, braves gens ! accourez.