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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

comptent sur l’appui de tous les bien-pensants. »

Le contenu du premier numéro était en harmonie avec ce programme. Jamais encore on n’avait écrit avec aussi peu de ménagements, avec autant de hardiesse sur le gouvernement, les ministres, la situation politique, la finance, le théâtre, les arts, la littérature, et surtout sur les affaires privées. De plus, toutes les notices, tous les articles n’allaient pas au delà de cette imperceptible limite où cesse ce qui est permis, où ne commence pas encore ce qui est défendu.

La reine, après avoir lu, fit appeler le ministre Kronstein ; le ministre Kronstein manda le président de justice ; le président de justice fit venir l’accusateur public ; mais celui-ci dut mettre bas les armes et déclarer que la loi ne pouvait rien contre cette espèce de polémique perfide se dérobant jusque dans le moindre mot à toutes les attaques.

Sa Majesté se contenta donc de souffleter sa camériste en faisant toilette et laissa provisoirement dormir les choses.

L’agitation qui avait régné au palais régna plus grande encore dans toutes les classes de la société. Chacun eut peur d’être attaqué, tout en voyant avec plaisir mettre les autres en pièces. Ainsi sont les hommes ; ainsi est le public. Quiconque traîne dans