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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

réputation parmi les journalistes, Pfefferman n’éveillait pas du tout l’idée d’un homme dangereux.

Il passait pour facile à corrompre. En admettant que cela fût, il n’en était pas moins avéré qu’il n’avait jamais reçu de l’argent du gouvernement, d’un parti politique ou d’une société quelconque, chose qu’on pouvait reprocher à bon nombre de ses probes ennemis. Peut-être avait-il reçu une fois cinq florins d’un marchand de tableaux pour louer sa marchandise ; peut-être avait-il été invité à souper par une actrice en qui il s’était imaginé voir une Rachel ; mais c’est bien pénible de refuser cinq florins quand on n’a pas de bonne chemise à mettre, et de ne pas toucher à un faisan, à un verre de champagne, quand on n’a rien mangé de chaud depuis vingt-quatre heures et qu’on ne boit que de l’eau fraîche depuis longtemps.

Il n’est pas difficile aux gros bonnets, aux maréchaux qui font feu avec des canons, d’appeler voleur le pauvre homme qui fait la petite guerre sur le grand chemin, avec un pistolet peut-être non chargé, pour se garantir du froid, de la faim et de ses créanciers.

Ceux qui connaissaient mieux Pfefferman savaient que c’était un bon homme toujours très-précieux et même comique. Les gens desquels on