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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

de Berlin, de Saint-Pétersbourg, d’avoir tout à coup une blessure au cœur, et d’étaler pour ainsi dire comme un ornement cette blessure sur leur gilet ou à leur taille afin que tout le monde vit le sang qui en dégouttait. Ainsi s’explique que tout à coup les poëtes aient souffert « du mal du monde », parce que deux jolis yeux ne voulaient plus les regarder amicalement. Heine en Allemagne, Musset en France, rivalisent avec Pouschkine et Lermontow en Russie. Ils pleurent en beaux vers, et le sang de leur cœur se convertit en louis d’or, en frédérics, en roubles dorés.

» Et tout cela c’est du mensonge, de l’hypocrisie, de l’invention, du faire ! Quel est l’homme qui, à moins d’être malade de corps et fou d’esprit, ne se détournera pas d’une folle jeune fille qui ne sait pas l’apprécier ou d’une femme que la soif du plaisir éloigne de ses bras dévoués pour la jeter dans les bras d’un autre ?

» Mais perdre une mère, c’est autre chose, tout autre chose ! Cela ne s’exprime pas ; cela se sent, et à celui qui ne le sent pas il serait impossible de l’expliquer. Cependant je surmonterai cette douleur elle-même. Je commence déjà à penser avec une douce joie à celle qui était tout pour moi. Oui, je triompherai de mon mal. Alors ma mère sera dans mon souvenir comme une sainte lueur