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VENDEUR OU ACQUÉREUR

le sculpteur, appelle avec un peu d’exagération son atelier.

La comtesse se transforme volontiers de la sorte, quand elle a résolu d’accomplir une bonne œuvre.

Wolfgang s’est hâté d’ôter son fez ; il va et vient dans son justaucorps ; il est un peu honteux de la pauvreté et du désordre qui règnent dans sa retraite. La comtesse trouve tout cela naturel, se montre enchantée de voir au milieu de la chambre une grande botte en travers de laquelle gît le buste brisé d’une Vénus en plâtre, prend feu à propos du sabre rouillé dont l’artiste se sert pour tisonner, et, de ses mains gantées, joue avec les franges sales d’un vieux fauteuil luisant de graisse sur lequel elle a pris place tout d’abord. Elle a même tiré sa petite blague dorée et elle roule déjà une seconde cigarette ; celle-ci sera pour elle ; la première qu’elle a tenue entre les lèvres, elle l’offre, encore humide de son haleine, à son hôte quelque peu ébahi.

— Je suis fière de vous avoir découvert, assure-t-elle d’un ton aimable, irrésistible. Un talent comme le vôtre ne doit pas rester plus longtemps ignoré, se rouiller dans l’obscurité.

En finissant ainsi, elle a toute la hauteur d’une reine.