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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

un tout autre homme. Il n’y a plus rien en moi de cette faiblesse de sang, de cette tendresse de sentiment qui me faisaient voir les créatures et les choses sous les couleurs les plus roses, et qui m’ont valu tant de douleurs, d’errements.

— Si vous saviez comme vous êtes comique en ce moment ! s’écria Valéria. Ne vous trompez donc pas vous-même. Que savez-vous de l’idéal ? C’est votre égoïsme qui a erré. C’est votre vanité, votre sensualité qui ont souffert, mais non votre cœur. Trompez qui vous voudrez ; vous ne me tromperez pas, moi ; je vous connais trop bien.

Depuis longtemps la pensée d’Andor n’avait pas traversé l’esprit de Plant. Le souvenir de son ami lui revint alors, et il lui sembla entendre les dernières paroles du docteur résonner à ses oreilles comme les hurlements des loups poursuivant quelqu’un égaré dans la steppe. Aussi ne trouva-t-il pas de réponse au reproche que Valéria lui lançait hardiment, sans pitié, en pleine figure.

Il s’inclina sans mot dire, et sortit.

Une heure plus tard, il quittait le palais de Valéria et se rendait en fiacre au chemin de fer. Il avait résolu de faire un voyage en Suisse et en Italie pour se rafraîchir les idées, se préparer au nouveau genre de vie qu’il comptait mener, et laisser repousser sa barbe.