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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

devenir un mythe. On dirait presque que dans cette étroitesse de nos relations que nous avons si souvent, si amèrement déplorée, a été enterré le fond de notre probité devenue proverbiale.

La chose est simple et s’explique facilement. Un boutiquier dans une petite ville de province, où chaque homme regarde dans le pot de son voisin, où chaque femme connaît par le menu la toilette des autres, n’osera pas se lancer dans ces grandes spéculations hardies et trompeuses qui se font tous les jours dans les grandes villes. Il se contentera de donner du café, du sucre à faux poids, de tromper en aunant, de mêler de la poudre de café dans le poivre et de la poussière de brique dans la cannelle. Il manipulera ainsi sa marchandise à la vieille mode, c’est certain, mais il ne reposera pas avec tranquillité sur son grand oreiller sa tête coiffée de son bonnet de nuit, s’il a fait quoi que ce soit pouvant lui occasionner des difficultés avec la loi.

Ces Lilliputiens allemands qui se sont tout d’un coup, sur la Seine, la Tamise, la Néva, élevés à la grosseur d’un habitant de Brobdignac ont perdu la mesure de chaque chose qui les entoure ; la petite aune de leur morale ne leur suffit plus, et comme ils n’en ont pas encore de plus grande, ils renoncent à établir une mesure de moralité pour le