Page:Sacher-Masoch - Les Prussiens d’aujourd’hui, 1877.djvu/531

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
121
UN MARIAGE À LA MODE

Keith, l’Adonis, continuer à se rendre chez le notaire ; puis, il se fit mal à un doigt en fendant une bûche, et il dut renoncer à écrire, malgré tous ses regrets. Dans l’intervalle, elle, la pauvre âme, avait eu les doigts tout piqués à force de coudre des gants. Il lui fallut renoncer aussi à son travail, et ils se montraient leurs mains blessées, admirant tous deux le courage héroïque dont ils avaient fait preuve.

— Qu’entreprendre maintenant ? demanda Julie timidement lorsque l’argent fut presque épuisé.

Keith jugea inutile de quitter des yeux le livre qu’il lisait, les Enfants de l’Enfer d’Amérique.

— Qu’allons-nous devenir, Eugène ? reprit sa femme. Ne peux-tu trouver une place digne de toi ? Tu n’as donc rien appris ; tu n’es en état de rien faire ?

Le baron garda un silence obstiné.

La nature n’est pas aussi injuste que bien des gens le croient : elle ne donne pas tout ce qu’elle peut donner au même individu.

Keith était beau, incroyablement beau, mais il avait peu d’esprit et ses capacités étaient si restreintes qu’il aurait fallu les développer à leur maximum pour les mettre à la hauteur d’une modeste carrière. N’ayant rien appris, au contraire, ni en fait de science ni en fait d’art, il n’était bon qu’à jouer et à corriger la veine.