Page:Sacher-Masoch - Les Prussiens d’aujourd’hui, 1877.djvu/526

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
116
LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

notre « bonne compagnie », c’est-à-dire en ne payant pas les notes, en faisant des dettes.

« On vit très-bien ainsi », assure le comte Swistaski, en caressant sa jolie barbe noire, et la belle comtesse Kronenberg ajoute en regardant avec plaisir ses blanches épaules : « Mais il y a d’autres sources de revenu qui sont bien plus réelles ».

L’aimable petite baronne ne pensa point à ces sources de revenu plus réelles ; elle essaya même d’empêcher son mari de faire des tentatives hardies contre la bourse des autres.

Il n’y a rien au monde que le baron Keith ne prit pas à crédit, depuis des habits, de la viande, son blanchissage, jusqu’à des souliers, des fiacres, des articles de toilette, des légumes, des montres, des loges, des meubles, des pâtés, des tableaux, des vins, du bois, des dentelles et même des journaux, des commissionnaires, des chiens. Un jour où il s’était fait livrer un jeune bouledogue sans le payer, il dit au vendeur : « Dans ma propriété de Silberburg, j’ai deux terre-neuve ; ceux-là il vous faudrait les voir. »

Lorsque le couple fashionable se trouva en tête-à-tête, Julie dit à son mari :

— Comment peux-tu parler de ta propriété ? C’est tromper les gens que de toujours parler de ce que tu n’as pas !