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VENDEUR OU ACQUÉREUR

Elle n’était ni jeune, ni vieille, ni jolie, ni laide. Elle n’avait dans les formes rien de plastique ; elle n’avait pas non plus dans l’œil ce feu qui brûle bien plus vite que tous les autres charmes physiques ; on ne pouvait dire enfin que ses traits fussent réguliers, ou nobles, ou attrayants. Mais elle avait un don particulier qui surpassait tous les précédents ; elle savait s’abandonner, se mettre à nu, pour ainsi dire, avec tant de sans façon, qu’à première vue on était surpris, à seconde vue conquis et qu’on finissait par se sentir tout en émoi.

— Eugène, regardez ce jeune homme auprès du buffet, dit-elle à haute voix.

Wolfgang, qui avait entendu, rougit comme une jeune fille, ou plutôt comme une jeune fille de l’époque romantique, car nos jeunes filles d’à présent ne rougissent pas dans ces occasions. Quand ce sera redevenu de bon ton de rougir, elles rougiront probablement.

Le jeune officier de hussards se retourna légèrement, juste assez pour laisser voir au sculpteur que ses traits efféminés ne pouvaient servir de modèle pour un grand capitaine quelconque. La tête et le corps étaient d’une perfection féminine ; la figure régulière, au menton délicat et un peu fort, à la lèvre fraîche, aux yeux bruns, ronds et