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LES PETITS SECRETS D’UNE ACTRICE

— Il me semble qu’on ne veut pas me reconnaître ! s’écria-t-il d’une grosse voix.

Maintenant qu’il n’y avait plus moyen de s’en tirer, Plant regarda tranquillement la figure ravagée, couperosée de son ami et lui tendit deux doigts de la main droite.

— C’est Wolfgang ! J’ai failli ne pas te reconnaître.

— Mais moi, je t’ai reconnu malgré ta livrée et tes cheveux noirs. Tu as donc été maltraité aussi par ce que les anciens appelaient Fatum. Sur mon cœur, frère d’infortune, embrasse-moi…

Plant fit un pas en arrière.

— N’attirons pas l’attention des passants, murmura-t-il. J’ai toujours détesté les scènes, et surtout les stupides scènes de reconnaissance.

— Bien ; mais j’ai à te parler. Où y a-t-il une taverne ?

— Veux-tu boire du vin ou de la bière ?

— Ah ! ah ! Dans la sainte Russie d’où j’arrive, ami, on boit du brandevin. Éloigne de mes lèvres tes fades boissons et conduis-moi dans un débit de liqueurs.

— Viens donc !

Guidant l’homme qu’il savait capable de faire échouer tous ses calculs, Plant pénétra dans une ruelle sombre, et, par une suite de ruelles du même