les hommes aient tant à souffrir ? » Il te répliqua : « Parce que Dieu veut les éprouver, et que plus ils souffrent, plus ils sont patients, plus ils seront récompensés dans une meilleure vie. »
« Mais les bêtes, ajoutas-tu, les bêtes qui ne vont pas au ciel, pourquoi faut-il qu’elles souffrent ? »
Ton père ne dit rien et me regarda :
« L’enfant pense, me confiait-il peu après, nous avons de la joie en perspective avec lui. »
Et, en effet, tu nous as donné beaucoup de joie.
Je me souviens encore du premier jour où tu revins à la maison avec la tête ensanglantée. « Que s’est-il passé ? » te demanda ton père sévèrement. Tu lui répondis : « Je passais dans la rue, et j’ai vu des enfants traînant un chien à l’eau avec une corde ; ils voulaient le noyer par pure méchanceté. Je leur ai parlé, mais inutilement. La pauvre bête criait à fendre l’âme. Comme ils ne voulaient pas la laisser aller, j’ai essayé de la leur enlever. Alors, il y a eu des coups ; mais je les ai tous mis en fuite. »
« Tu as bravement fait ! » te dis-je, et ton père souriait en lançant de sa pipe des bouffées de jolie fumée bleue.
Pendant les belles journées d’été, aux vacances, je t’emmenais chaque année à la campagne, chez mon père. C’était bon pour toi, l’air des champs,