Page:Sacher-Masoch - Les Prussiens d’aujourd’hui, 1877.djvu/473

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
63
CE QUE RACONTE UNE MÈRE

tait dans l’herbe ou que le soir, à la lumière brûlant dans ma chambre, je voyais une chauve-souris venir frapper contre la vitre. De même, il m’arrivait tout à coup d’être gaie, de sauter, de rire sans savoir pourquoi.

Nous n’échangions pas beaucoup de paroles, ton père et moi ; mais nous nous regardions continuellement. Pour les autres, c’était ennuyeux certainement ; pour nous, pas du tout.

Ton père, un homme comme il faut, — on l’aurait cru découpé dans un journal de modes, — cherchait souvent, du matin au soir, une occasion de toucher ma main ou de s’agenouiller devant moi. Lorsqu’il y avait des jeunes gens chez nous et que nous jouions à toute sorte de jeux amusants, il se mettait si souvent à mes genoux que les jeunes filles riaient sous cape. Moi, cela me faisait frissonner chaque fois qu’il était à mes pieds et qu’il levait sur moi ses beaux yeux.

Une fois nous donnâmes une comédie de Kotzebue et les Deux Billets de Wall. Mon frère le capitaine, à cette époque un charmant porte-enseigne, organisa la scène, et ton père et moi nous jouâmes les amoureux tout à fait nature, disait-on.

Ainsi s’écoulèrent deux années. Le traitement de ton père fut augmenté de trois cents florins ;