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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

brillamment les premiers rôles dans les jolies histoires romanesques. De son côté, ton père faisait sur moi des pièces de vers dont l’une fut imprimée dans le livre de poche « Ne m’oubliez pas ». J’avais presque honte en la lisant ; je me figurais que tout le monde devait savoir qu’il s’agissait de moi. Je ne sais si les vers étaient bons ; mais ils me faisaient battre le cœur et je pouvais les réciter de mémoire.

Nous n’étions pourtant pas toujours aussi romanesques.

Que de fois ton père m’aidait dans le jardin ! nous sarclions ensemble ; nous cueillions les pois verts et les belles reinettes dorées. Croirais-tu qu’il m’aidait même à ramasser des pommes de terre ? Un jour, dans le petit champ, à la lisière du bois de hêtres — tu ne t’en souviens plus, bien que tu t’y sois souvent amusé avec les grillons qui, par les chaudes soirées d’été, remplissaient l’air de leurs cris — dans ce petit champ donc, derrière le bosquet de noisetiers, — ah ! tu te souviens maintenant, — nous allumâmes du feu et nous fîmes cuire des pommes de terre sous la cendre. Qu’elles étaient bonnes !

En ces jours-là, tout était étrange pour moi. Je n’étais pas du tout peureuse ; mais parfois je tressaillais sans motif, lorsqu’un prie-dieu sau-