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CE QUE RACONTE UNE MÈRE

voix gaie, qui avait quelque chose du murmure monotone mais frais d’un ruisseau. Je souhaite souvent que la mort vienne bientôt, car tu vois toi-même que ce serait la délivrance pour moi ; pourtant il y a des heures où cette idée me serre le cœur. C’est quand je songe que je ne te parlerai plus, que je ne te verrai plus, ainsi que les autres, si bons pour moi, que je ne regarderai plus mes vieux meubles qui me comprennent si bien, qui ont vieilli avec moi, que je me demande ce que deviendront nos bêtes, notre rosier qui mourra, lui aussi.

En songeant à tout cela, j’ai envie de pleurer, et mon cœur se serre de ne pouvoir emporter avec moi tout ce que j’ai vu, pensé de beau, tout ce qui a rempli ma vie. Et puis, je me sens tourmentée du désir, du besoin de tout te raconter, afin que ce qui doit mourir avec moi survive en toi.

Qu’un écrivain est heureux de pouvoir mettre sur le papier, faire imprimer même tout ce qui est en lui, autour de lui ! Mais, moi, je ne suis qu’une pauvre vieille femme…

C’est dommage. J’ai connu tant d’hommes bons ! J’ai vu autour de moi tant d’amour, tant de choses belles et grandes !

Mon père, un savant à sa manière, comme tu sais, me disait un jour des paroles qui sont tou-