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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

entièrement tendue en soie blanche, à reflets argentés comme ceux de la lune. Un épais tapis de duvet blanc recouvrait le parquet, et le lit élégant, surmonté de son ciel, apparaissait comme un nuage odorant tout prêt à recevoir le beau corps de la déesse de l’amour. Afin de compléter l’illusion, on y voyait un Amour en marbre blanc dirigeant sa flèche vers la porte, pour percer le cœur de celui qui entrerait.

On eût dit qu’on s’était servi d’un coin de ciel bleu pour décorer le charmant petit boudoir dans lequel tout respirait la paix, le repos, invitait à la nonchalance. Une ottomane basse tendait ses coussins gonflés, et devant elle un tigre s’allongeait pour recevoir sur son dos altier les pieds de la victorieuse divinité de la maison. C’était un petit harem, mais un harem où un homme était esclave d’une femme.

Dans la salle de bain, tapissée de rouge, l’air semblait brûler, consumer. La baignoire de marbre, en forme de belle coquille, s’incrustait profondément dans le parquet. Lorsque la maîtresse de la villa y entrait elle était accueillie par des tritons versant l’eau comme un dithyrambe nuptial, par des Amours qui, du plafond, la saluaient Vénus anadyomène ; et les gouttes cristallines qu’elle faisait jaillir tombaient sur la peau noire