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OÙ IL S’AGIT DE TROIS JEUNES FILLES MODÈLES

À peine étaient-elles assises, que les aiguilles se mettaient en jeu et en même temps les fines langues de celles qui s’en servaient. Depuis le roi qui protégeait le corps de ballet jusqu’à madame Peneke, la marchande à la toilette de la rue des Lys, chez laquelle toutes les jeunes dames de rang vendaient leurs costumes défraîchis, chaque personnage de la ville fut mis sur le carreau pendant une demi-aiguillée, une aiguillée ou tout un ourlet.

Cette passion de jaser était aussi peu extraordinaire que tout ce que l’on voyait ou l’on faisait dans l’école de couture de mademoiselle Kronowetter. En fait de choses remarquables, il n’y avait que les pelotes des jolies élèves. En les regardant de près, ces pelotes donnaient même à réfléchir ; chacune formait un assemblage de couleurs, quoique ces couleurs ne fussent jamais qu’au nombre de deux.

Les pelotes en question représentaient les amoureux des jeunes filles, et voici comment. Chaque néophyte de la couture avait un adorateur plus ou moins officiel, et il était de son devoir de faire connaître à l’école, avec franchise et humilité, la position de cet adorateur.

Selon la situation qu’occupait l’amoureux, la jeune fille faisait sa pelote et la recouvrait à deux couleurs. Les deux couleurs devaient leur adoption,