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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

sombre énergie que le sort ne saurait vaincre.

Jusqu’ici, il avait toujours hésité à accepter l’offre de Wiepert. Chaque fois qu’Andor lui avait rendu visite, le journaliste paralytique mais vigoureux d’esprit, de caractère, faisait des allusions à l’irrésolution de son visiteur. Il lui cherchait presque querelle, tant il était mécontent de le voir s’étioler en compagnie de ses in-folios, étouffer dans la poussière des archives. D’ordinaire, Andor se contentait de sourire. Un soir, il vint prendre le thé avec Wiepert et sa charmante petite femme, dans une disposition d’esprit annonçant quelque projet héroïque.

— Qu’avez-vous donc aujourd’hui ? lui demanda la maîtresse de la maison. Vous êtes gai, décidé, comme si vous alliez accomplir quelque chose de bon et de grand.

Andor baissa les yeux.

— Mon opinion sur le journalisme est toujours la même, répondit-il. Il vise trop à la matière.

— Que voulez-vous ? s’écria Wiepert. Cela changera ; il faut que cela change. Je lutte sans relâche dans ce sens ; c’est là, si vous voulez, le but idéal de ma vie, de mon activité. Vous préféreriez peut-être attendre qu’une amélioration se fût produite. Ce ne serait pas une preuve de courage de votre part.