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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

les yeux commencèrent à briller ainsi que cela lui arrivait chaque fois qu’on trouvait à redire à son adoration de lui-même. Les mots ne prouvent pas grand’chose. Que t’a rapporté ton travail ? Rien. Donc, en quoi vaux-tu mieux qu’un oisif ? Moi, tel que tu me vois, je possède soixante mille florins ; je suis, par conséquent, un homme actif, sensé, expérimenté, digne de considération. Notre époque ne demande que le succès. Et si j’ajoute que ton Hanna t’a planté là avec ton idéalisme laborieux, tandis que Valéria Belmont, l’artiste célèbre, une de ces belles femmes comme le Titien seul a su en créer, m’appartient à moi, à moi seul, que trouveras-tu à me répondre ?

— Je te répondrai seulement : as-tu gagné honnêtement les soixante mille florins ?

Plant pâlit.

— Honnêtement ! honnêtement ! s’écria-t-il avec un rire forcé. Vous n’avez à la bouche que de ces vieux mots. Vous, les idéalistes, vous êtes du pur Gellert ! À quelle mesure veux-tu mesurer nos actes ? Qu’est-ce qui établit notre dignité ou notre indignité ? Qu’est-ce qui détermine notre récompense ou notre punition ? L’opinion du monde et notre propre conscience.

Or le monde change tous les jours, de même que notre manière d’entendre les choses ; le monde