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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

que je sentais une souris courir dans mon dos. Un être humain ne saurait décrire cela, à moins que ce ne fût M. de Schiller. Celui-là pourrait peindre dans une belle ballade ce que j’ai ressenti.

— Ainsi, vous ne voulez pas vendre le gant ?

— J’en suis fâché, mais c’est impossible. Pour vous donner cependant une idée de la sensation que je ne puis décrire, je vais vous laisser baiser le gant.

Il le prit très-délicatement du bout des doigts et le posa sur un plat d’argent.

— À l’extérieur, ajouta-t-il ensuite, cela vous coûtera un florin ; à l’intérieur qui a touché la peau divine de l’unique Belmont, ce ne sera aussi qu’un florin.

— Êtes-vous fou ?

— Si vous ne voulez pas baiser le gant aujourd’hui pour un florin, fit Steinherz froissé, demain cela vous coûtera deux florins. Je ferai une grande annonce dans les journaux et cela deviendra de mode d’aller baiser le gant chez Steinherz comme on va chez Riccioli manger des douceurs. Mais, comme vous êtes les premiers, libre à vous de le baiser pour un seul florin à vous deux.

Les deux curieux se mirent à rire.

— L’idée est originale, hasarda l’un.

— Il en fera une affaire, ajouta l’autre, tandis que son compagnon tirait un florin de sa poche.