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UN SUCCÈS CONTEMPORAIN

pièce, où la comédienne met son jeu en rapport avec la toilette qu’elle porte plutôt qu’avec le rôle qui lui est dévolu.

Pendant que les applaudissements frénétiques grondaient dans la salle comme les vagues de la mer un jour de tempête, le jeune roi parut lui-même sur la scène pour complimenter Valéria.

Elle accepta ses compliments avec beaucoup de calme, ne se montrant ni empressée ni humble. Ce n’était pas qu’elle fût indifférente aux paroles du roi : mais elle savait trop bien tisser une toile pour n’avoir pas compris sur-le-champ quelle sorte de fil il fallait pour prendre un homme, un monarque habitué à la flatterie, entouré d’esclaves. Elle voulait le lier avec des chaînes qu’il ne briserait pas facilement ; c’était pour cela qu’elle affectait l’indifférence.

Le roi se disait à part lui qu’elle ne semblait pas faire grand cas de sa condescendance et il se mordait les lèvres, il tortillait sa moustache.

— Vous désirez un engagement ici ? fit-il enfin.

— Au contraire, Majesté, répondit Valéria, parvenant, par un mouvement bien calculé, à faire tomber un peu plus son corsage. Je suis très-contente de ma situation ; ici, je craindrais les intrigues des autres artistes du théâtre de la Cour ; on ne me donnerait pas de rôles. Il vaut mieux que