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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

vitée à venir donner une représentation dans la capitale.

Elle accepta l’invitation et montra dans Lady Milford ses formes de Vénus de Milo, ses cheveux noirs, ses yeux incendiaires, ses incomparables diamants et ses toilettes à donner la migraine aux lionnes les plus élégantes.

En vérité, elle joua le rôle avec plus de confiance en elle-même, de talent, que le soir de son premier début ; mais l’eût-elle joué dix fois plus mal qu’elle n’en aurait pas moins subjugué le public dilettante de la capitale, avec ses épaules de marbre et le frou-frou de sa robe venue de Paris.

Notre théâtre n’est plus qu’un temple où l’on adore la femme. Une seule belle actrice est capable de remplacer toute une littérature dramatique, surtout quand il lui est possible de mettre des toilettes splendides ou originales.

Il fut un temps où les artistes étaient là pour la pièce et prenaient la peine d’entrer dans les idées de l’auteur.

Vint ensuite l’époque où les auteurs écrivirent des rôles pour tels ou tels artistes, absolument comme un tailleur prend mesure d’un vêtement.

Aujourd’hui, nous sommes arrivés à ce point culminant de l’art dramatique où le comédien se préoccupe de son pantalon bien plus que de la