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LA COUPE DE L’ARC-EN-CIEL

— Vous êtes précisément telle que j’aurais voulu voir ma femme, telle que j’aurais voulu voir ma fille ; mais elles ont eu toutes deux du lait dans les veines.

Lorsqu’ils furent rentrés, le général conduisit mademoiselle Teschenberg dans l’ancienne chambre à coucher de sa femme, restée fermée depuis qu’il était veuf. Il releva les stores verts et montra un portrait accroché au mur.

Hanna aperçut une jeune femme frêle, à longues boucles blondes, ayant l’air d’une fleur dans un verre d’eau, et dont les yeux semblaient demander sans cesse pardon.

— Une vraie dame ! sa figure éveille la sympathie, fit la rusée jeune fille.

— Une noctambule sentimentale, répliqua froidement le général. Elle ne se trouvait bien qu’au clair de lune.

Mademoiselle Teschenberg se dit alors :

« Cette chambre avec son ciel de lit en soie bleue, son beau lit rococo, sera la mienne quand je voudrai. Et pourquoi ne le voudrais-je pas ? Cette pauvre sotte n’a pas su le prendre ; moi je le sais. »

Hanna pensait donc déjà sérieusement à faire « son bonheur », comme on dit dans notre Allemagne moraliste, aussi bien que dans la France