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OÙ IL S’AGIT DE TROIS JEUNES FILLES MODÈLES

des Allemands, le sculpteur aux longs cheveux, lui avait décidément fait tort. Elle n’était ni petite, ni jaune comme de la cire ; il n’avait dit vrai qu’à propos de sa figure d’oiseau.

Ainsi que les femmes de l’Orient, Micheline, à dix-huit ans, avait atteint toute sa croissance, tout son développement de formes. Son teint brun d’un rouge vif éveillait l’idée que sa figure était éclairée en dedans et lui donnait un charme exotique. Ses traits n’étaient ni réguliers à l’allemande, ni harmonieux à l’antique ; ils étaient juifs tout simplement et sans conteste. Pourtant, malgré sa coupe effilée, malgré son manque de rondeur dans les lignes, sa figure d’oiseau avait précisément ce piquant qu’exige le goût de notre époque. Elle était encadrée de cheveux noir-bleu, légèrement annelés, et, sous les paupières à demi fermées, brillaient de grands yeux noirs veloutés qui, lorsqu’ils se fixaient sur quelqu’un, avaient toujours quelque chose de languissant

La créature humaine, tant l’âme que le corps qui l’enveloppe, se révèle tout particulièrement dans sa voix et l’usage qu’elle en fait. Micheline Rosenzweig parlait toujours comme si elle se fût adressée à une foule ; le son de sa voix résonnait un peu comme celui du cadran de la Bourse, où son père le banquier était sur un si bon pied.