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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

Un jour où elle allait monter à cheval et descendait le large escalier de marbre, suivie de la première dame d’honneur et d’un domestique de la cour, elle rencontra Wolfgang qui montait. En apercevant la princesse, le sculpteur s’arrêta ; droit comme un soldat sous les armes, le chapeau à la main, le dos à la rampe, il attendait avec déférence qu’elle eût passé.

Mais la princesse, tenant la traîne de son amazone de velours sur le bras gauche, fit halte en face de lui, et dit à sa compagne :

— Voilà le misérable !

En même temps, elle levait sa cravache sur Wolfgang, et, avec la rapidité de l’éclair, l’en frappait deux fois au visage, de manière à y laisser deux marques rouges de sang.

Sans y penser probablement, car il était devenu sujet très-loyal, le malheureux directeur fit un mouvement comme pour arracher la cravache à la princesse ; mais le domestique de la cour se jeta entre elle et lui et le maintint fortement.

La princesse toisa sa victime d’un coup d’œil plein d’un mépris indicible et continua à descendre l’escalier lentement. Ses yeux brillaient ; elle respirait plus librement.

— Ah ! que je me sens bien ! dit-elle. Je me sens on ne peut mieux.