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UN JOURNALISTE MODERNE

tout idéal et qui n’a su nous offrir en échange que la matière sans esprit, morte, nous inspirant le dégoût.

— Très-vrai, très-juste, s’écria Andor. Mais quel rôle conseillez-vous au savant, dans cette époque précédant un nouvel enfantement ?

— Le rôle en question, je ne le conseillerais pas au savant seul. Je suis sûr que comme tout le monde et, en particulier comme toute la gent des diplômés, vous avez une très-mauvaise opinion du journalisme. Mais moi je vous dirai que lorsque chacun est matérialiste, on ne saurait, sans avoir une forte dose de naïveté, exiger que le journaliste pense, sente, agisse en idéaliste, lui qui est plus que tout autre exposé aux tentations. Certes, il y a beaucoup de gueux de lettres, d’écrivailleurs déguenillés dans le monde des journaux ; je ne crois pas cependant que les gens de la finance, de la grande industrie ou de toute autre classe dominante soient plus moraux, plus convenables, aient l’esprit plus cultivé que notre confrérie tant décriée. Quelque mauvaise opinion que vous ayez de nous et de notre influence, je n’en soutiens pas moins que, dans la grande lutte civilisatrice qui se prépare, la presse est destinée à jouer le rôle le plus important. Vous êtes étonné ; je m’explique.