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UN JOURNALISTE MODERNE

que de l’humanité tout entière, et il est naturel qu’aussitôt un but atteint, un but nouveau surgisse. Il se rencontre des générations, comme la nôtre, qui récoltent sans aucune peine, de même qu’un héritier un gros héritage, ce qu’une grande époque précédente a semé, et, à l’exemple de l’héritier enrichi, ces générations cessent de travailler, de faire des efforts, pour s’abandonner uniquement aux jouissances.

Nous sommes les héritiers de ce grand mouvement qui a commencé avec la lutte de l’indépendance américaine. Ce mouvement est arrivé à ses dernières conséquences dans la Révolution de 1848, à peu près vers la même époque où finissait aussi un autre mouvement qui s’était manifesté d’abord par la Jacquerie, les prédications du franciscain John Bull en 1381, par l’insurrection de Wat Tyler, qui fit en 1846 tant de milliers de victimes dans la Galicie, et qui n’a complétement cessé en Europe que par l’affranchissement des paysans russes, en 1856.

Satisfaits de jouir de ces résultats pour lesquels d’autres générations ont lutté, combattu, souffert, nous sommes devenus des sybarites. Parce que nous avons été victorieux dans quelques guerres qui nous ont valu des milliards, nous nous imaginons avoir accompli un travail de civilisation ;