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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

bonheur, notre travail terminé, que d’écouter, le soir, du haut de la galerie, une bonne pièce de théâtre, ou de lire, à la clarté d’un bout de chandelle, un bon livre que nous discutions ensuite.

Voyez-vous, mon ami, on n’est heureux que lorsqu’il faut gagner chaque jour son pain et son plaisir par de sérieux travaux du corps et de l’esprit. Le peu que nous gagnons nous-mêmes nous rend contents, au lieu que les richesses tombées du ciel engendrent ce mécontentement et ce dégoût de la vie, qui, chose étonnante et odieuse, sont de nos jours la conséquence de la poursuite acharnée des jouissances.

Le secret de ces phénomènes moraux est qu’en ce monde, il n’y a rien, rien qui en soi-même puisse nous donner le bonheur, si ce n’est la lutte, les efforts vers un but.

Il existe une joie à la portée de tous, même du plus pauvre, et cette joie, c’est de faire quelque chose, un travail utile à soi-même aussi bien qu’aux autres. Un travail sans résultat palpable comme le vôtre n’est pas un travail. Jadis, il pouvait être permis de se séparer du monde, de s’adonner entièrement aux recherches, aux études savantes pour le seul plaisir de ces recherches, de ces études minutieuses. Aujourd’hui, cela n’est plus possible. Vous êtes un homme d’esprit, de