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UN JOURNALISTE MODERNE

connais les femmes, mon jeune ami, c’est pourquoi je ne m’illusionne nullement sur la nature féminine ; c’est pourquoi je suis heureux avec ma femme. Regardez-moi bien ; quelque incroyable que cela vous paraisse, je suis parfaitement heureux en ménage. Ma femme, — je ne crains pas de le dire devant elle, — n’a pas un grain de vanité ; ma femme est un ange véritable sous sa petite robe fraîchement lavée. Savez-vous ce que c’est de consacrer sa vie à un paralytique ? Un grand, grand sacrifice.

— Ce n’est pas un sacrifice, s’écria la jeune femme ; pour moi, ce n’en est pas un.

Wiepert la regarda avec un bon sourire venu du fond du cœur et se tourna à nouveau vers Andor.

— Mon ange dit que ce n’est pas un sacrifice ; moi, je soutiens que c’en est un énorme et que je dois mon bonheur à ce sacrifice. Il est dans la nature même de la femme de n’être tout à fait heureuse qu’en se sacrifiant. Elle est capable de faire tout le bien imaginable ; mieux que l’homme elle sait vaincre son égoïsme ; mais tout cela ne lui est possible que lorsqu’on le lui demande. La grande faute que commettent les hommes de notre temps est de demander à leur femme le moins qu’ils peuvent, de la traiter comme un jouet, une poupée