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LA PELOTE NOIRE ET GRISE

l’entraînant dans une conversation sans fin jusqu’au retour du conseiller, à qui elle le livrait alors pour faire la partie d’échecs.

Tant que le tendre regard d’Hanna chercha le sien, tant que la main fiévreuse de la jeune fille serra tendrement la sienne au moment de se retirer, le jeune homme ne fut pas absolument malheureux ; il était si peu exigeant. Mais il arriva un jour où les yeux si expressifs d’Hanna évitèrent les siens, où la petite main, devenue froide, eut l’air de faire une grâce en tendant le bout des doigts. Puis vint une lettre que la jeune fille envoyait par un commissionnaire pour dire : « Cher Andor, attendez-moi ce soir, sans faute, dans le parc, près du second jet d’eau ; j’ai à vous communiquer, sans délai, quelque chose de très-important. »

À la lecture de ces quelques lignes tracées par une main si chère, une angoisse sans nom étreignit le cœur d’Andor. Il prit son chapeau et sortit par la ville ; mais les brillants étalages, les équipages qui passaient, les gens en toilette, le ciel sans nuages lui-même, tout lui était insupportable.

Il rentra et se mit au travail avec un empressement qui avait quelque chose de farouche, d’égaré, qui le faisait s’acharner sur les vieux documents autour de lui.