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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

les belles aspirations comme autant de sirènes, de dragons, de géants nuisibles.

» Pauvres gens pratiques ! Êtes-vous donc assez dépourvus de sens pour ne pas vous apercevoir que l’homme ne saurait vivre sans idéal ? Tout pratiques que vous êtes, vous, les enfants de l’époque actuelle, vous en avez un aussi d’idéal, comme nous, nous avions le nôtre, et de cet idéal, vous subissez la tyrannie. »

Les paroles du comte Riva devaient avoir à ses propres yeux une grande importance. Il avait saisi le roi noir par la tête, soulignant pour ainsi dire, avec force, sur l’échiquier, la longue phrase prononcée et il demeurait immobile, pendant que les pièces blanches et noires du jeu oscillaient, s’inclinaient comme la foule des fidèles sous l’eau bénite de l’officiant en un jour de consécration d’église.

« Juste, tout à fait juste », ajoutait-il bientôt avec la chaleur que l’on déploie pour convaincre un interlocuteur entêté. « Je vous accorde que votre idéal est plus pratique. L’idéal des hommes d’autrefois planait dans les nuages ainsi que les images des dieux anciens, mais il projetait son ombre sur cette misérable terre, et cette ombre suffisait à l’illuminer, à l’embellir.

» Cet idéal se nommait de différents noms, des