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LA PELOTE NOIRE ET GRISE

lante allait être soulevée : comment serait recouverte la pelote d’Hanna ? Il n’y avait pas le moindre doute sur ce point que, dorénavant, cette pelote devait porter les couleurs du bienheureux adorateur.

La baronne Julie se prononça pour la couleur verte, parce qu’elle avait vu un tableau allégorique de l’amour sur fond vert. Mais la comtesse Erwin Schnabelthal protesta de sa voix aiguë comme le sifflet qui annonce un train. Le vert, prétendait-elle, est la couleur des chasseurs. Mademoiselle de Kronstein opina pour le noir, emblème de la science sévère. Une autre jeune fille demanda le gris, qui représente, en double allusion, le brouillard dans lequel erre le chercheur et l’âne de Buridan entre deux bottes de foin, ou, plus nettement, l’idéalisme et le matérialisme.

Après une longue discussion, on adopta le gris et le noir, au grand déplaisir d’Hanna, et la pelote, recouverte de ces couleurs, se dressa, triste et bien modeste, au milieu des autres aux couleurs brillantes, ayant l’air d’être honteuse de sa pauvre toilette. Hanna eut pitié d’elle et la couvrit de sa robe de satin bleu qu’elle était occupée à coudre.

Chaque fois que mademoiselle Teschenberg sortait de l’école de couture, Andor l’attendait au coin de la rue. La baronne Julie disait alors au