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LA PELOTE NOIRE ET GRISE

Les sensations en elle pouvaient se comparer à ce qu’elle eût éprouvé en descendant le courant d’un fleuve dans un canot manquant de gouvernail, s’en allant à la dérive. Elle se sentait très-heureuse, quand elle pouvait le regarder, le regarder longtemps et encore, bien que la personne d’Andor n’offrît absolument rien de beau, rien de tout ce qui peut charmer l’imagination d’une jeune fille.

Qu’était-ce donc quand elle pouvait lui parler, prendre sa main dans les siennes, ou quand, dans un élan subit, il l’attirait dans ses bras puissants et l’embrassait en la soulevant de terre ?

Quelquefois pourtant, lorsqu’il la saisissait trop vivement dans ses mains maladroites, la nature pratique de la jeune fille réapparaissait.

Une fois, Andor arriva, et, prenant un air aussi important que le comte de Chambord lorsqu’il est bien décidé à dire quelque grosse niaiserie, il offrit une rose à Hanna.

Ce n’est assurément pas manquer d’esprit que d’offrir une rose à une jolie fille ; mais la jolie fille sait compter, et elle se dit que la rose a coûté tout au plus vingt kreutzers à son adorateur.

Naturellement, en recevant la rose des mains d’Andor, Hanna rougit ; la pudeur virginale n’y était pour rien : elle pensait aux diamants que le baron Oldershausen avait offerts à Micheline, dia-