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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

rope, que l’Angleterre a eu son temps, et que maintenant c’est le tour de l’Allemagne qui est arrivé.

— C’est vrai, reprit l’homme étrange d’un ton solennel, c’est vrai ; il est venu ce temps que nous avons attendu, désiré, pour lequel nous avons prié ; mais il nous trouve comme il a trouvé les autres peuples, sans idéal. Nous semblions appelés à poursuivre un tout autre but que la puissance, la gloire nationale ; et voilà que, de même que les autres nations arrivées à leur apogée, nous sommes prêts à couronner le succès, à adorer la force. Faites-moi donc le plaisir d’envoyer toute votre littérature au pilon et d’en fabriquer des cartouches pour votre million de soldats. Vous avez trop parlé avant d’avoir pu agir, et, maintenant que l’heure de l’action a sonné, vos actes sont en désaccord avec ce que vous disiez. Donc au pilon votre littérature !

— Très-amusant, ma foi ! s’écria le sculpteur s’adressant plutôt à ses amis qu’à son interlocuteur. Nous nous étions crus jusqu’ici supérieurs en tout à nos voisins, principalement en civilisation, en moralité ; mais non, il paraît que nous nous trompons, que nos actes sont en contradiction avec nos paroles, que c’est nous qui sommes immoraux, sans culture intellectuelle, et que nous