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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

Andor avait été le premier à faire son apparition dans la demi-obscurité permettant d’entrevoir vaguement le billard, les tables. Il sonda tous les coins et recoins sans découvrir ni Wolfgang ni Plant. En revanche, il aperçut le comte Riva, qui, dans son costume négligé, était assis à une petite table où il jouait seul aux échecs.

Il n’y avait pas d’autres consommateurs dans ce café et ce vide inusité donnait à leur rencontre comme une certaine intimité. Aussi, lorsque le comte fixa sur le docteur son regard quelque peu interrogateur, il sembla à celui-ci qu’il entrait dans la maison d’une bonne connaissance et il salua cette bonne connaissance peut-être malgré lui.

L’étrange personnage rendit le salut avec politesse et, d’un mouvement plein de grâce, de distinction, l’invita à prendre place en face de lui de l’autre côté de l’échiquier. Andor accepta l’invitation en silence comme elle lui avait été faite.

Il gagna une partie et en perdit deux.

— Savez-vous ce qui me plaît en vous ? demanda tout à coup le comte après la troisième partie, c’est que vous ne portez ni barbe ni lunettes, que vous dédaignez ces sots moyens de vous masquer. Celui qui veut cacher son véritable caractère n’a pas tort, évidemment, de couvrir d’un voile ses