Page:Sacher-Masoch - Les Prussiens d’aujourd’hui, 1877.djvu/221

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
211
UN HEUREUX DÉBUT

revers le prospectus d’une maison de confection et, s’inclinant respectueusement, tendit la note à Valéria. Elle ne daigna ni la toucher de la main ni l’honorer du regard.

— C’est… c’est l’addition demandée, dit le chef des garçons, un peu décontenancé par l’attitude de Valéria.

— Donnez-la au lieutenant que voilà, répondit-elle aussi tranquillement que si elle eût dit : Donnez-la à mon mari.

Le chef des garçons resta confondu ; debout entre les deux tables, sa note à la main, il regardait tour à tour Valéria Belmont et le hussard.

Bien que les paroles de l’actrice n’eussent pas été prononcées à haute voix, elles avaient été entendues de la salle entière et tous les regards se tournaient vers le héros de cette aventure extraordinaire. Les conversations avaient cessé et les deux autres dames de théâtre elles-mêmes ne parlaient plus, effrayées qu’elles étaient de l’audace de leur nouvelle amie. À la table du lieutenant, les autres cavaliers avaient d’abord ouvert de grands yeux et, selon leur goût, ils étaient occupés maintenant à se mordre les lèvres ou à arranger leur cravate.

Le hussard était devenu d’un beau rouge. Mais lorsque le chef des garçons, prenant enfin une résolution, vint se placer derrière sa chaise, il s’em-