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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

endroits, laissait entrevoir, ainsi que le gilet noir ouvert, une fine chemise d’une propreté, d’une blancheur immaculées. Dans son pantalon, noir aussi, flottaient deux jambes fluettes, terminées par des bottes décousues et trouées.

Cette misérable toilette était en désaccord complet avec la figure bien coupée, fine, noble, de celui qui la portait, avec son maintien digne, imposant ; elle était en désaccord avec l’empressement des garçons à venir prendre le chapeau de ce personnage, à lui apporter une tasse de café noir et un échiquier.

— Voilà justement le fou dont je vous parlais, murmura Plant à ses deux compagnons.

— Comment ! ce serait là le comte Riva !

— Lui-même, en Diogène.

Comme s’il eût deviné que les jeunes gens parlaient de lui, le nouvel arrivé fixa sur eux tour à tour ses grands yeux bruns perçants. Leur tournant ensuite le dos, il prit place à la table voisine et se mit sérieusement à jouer avec lui-même une partie d’échecs.

Ce voisinage semblait gêner la conversation jusqu’alors bruyante des trois amis. Le sculpteur bassiste lui-même ne parlait plus que doucement.

Soudain retentit au dehors un bruit de grelots