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UN HEUREUX DÉBUT

— Il y a en vous quelque chose d’aristocratique, continua le directeur. Vous voulez jouer les premiers rôles, n’est-ce pas, les dames du monde ? Nous savons cela. Votre extérieur vous le permet ; vous avez tout à fait le physique de l’emploi.

— Vous plairait-il de me soumettre à une épreuve, monsieur le directeur ?

— Pourquoi ?

— Pour voir si j’ai dit talent ?

— Du talent ! s’écria M. Crameaux se mettant à rire. À quoi bon, du talent ? Vous êtes jolie, très-jolie ; cela suffit aujourd’hui. Si vous avez de la toilette, parfait ; si vous n’en avez pas, il se présentera bientôt un ami qui s’occupera de ce détail. L’important, c’est de plaire au public et je crois que vous lui plairez. Votre démarche est élégante, vos mouvements sont gracieux et l’organe agréable. Nous n’avons pas besoin d’autre chose. Du talent ! Pourquoi du talent ?

Vous êtes venue avec des illusions, paraît-il, Nous connaissons cela : la vocation, les aspirations vers le sublime, le besoin de réaliser sur la scène l’idéal introuvable dans la vie. Débarrassez-vous sans retard de tout ce lest inutile. Je pensais comme vous, moi aussi, lorsque j’abandonnai, au grand chagrin de mon père, le droit pour l’art, changeant mon nom de Kramm en celui de Crameaux plus aris-