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TROIS JEUNES SAGES ET UN VIEUX FOU

brille comme de l’or au soleil ; c’est une vraie beauté allemande.

— Mon cher Wolfgang, répondit Plant d’un ton calme, mesuré, comme il convient à un homme de loi, la devise de notre époque est la division du travail. Ce serait bien peu pratique de prendre feu tous les trois pour la même belle. Je trouve beaucoup plus logique que tu sois, toi, amoureux de la baronne Julie, qu’Andor rêve de mademoiselle Teschenberg et que moi je songe à la petite Rosenzweig, qui a deux grandes qualités : de l’esprit et de l’argent.

— Mais vous êtes tous deux anti-Allemands, riposta Wolfgang, tout prêt à troubler la paix qui avait régné jusqu’alors à la table. — Votre goût féminin…

La tirade que le sculpteur éleveur de rainettes allait lancer fut interrompue par l’apparition d’un étrange personnage qui attira sur lui tous les regards.

Le nouveau venu était un homme de plus de cinquante ans, petit de taille, efflanqué de corps. Il y avait comme un reste d’élégance dans ses vêtements déguenillés. Des bords, par places disparus, de son castor à haute forme, s’échappaient çà et là des mèches de cheveux bruns et gris. Son frac noir, de coupe antique et fendu en plusieurs