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TROIS JEUNES SAGES ET UN VIEUX FOU

Bien que pauvre, il n’en portait pas moins des habits à la coupe du jour. À l’aide d’un faux col en papier, d’une cravate en soie, de gants glacés, nettoyés et renettoyés au besoin, il savait donner à sa toilette un air d’élégance. Étudiant en droit et occupé en ce moment de son examen, il gagnait modestement sa vie en qualité de clerc chez un notaire.

Le troisième compagnon à table, Wolfgang, semblait, par son extérieur, vouloir crier de loin à chacun : je suis artiste, et, avec plus de force encore : je suis Allemand.

C’était un de ces infortunés patriotes qui trouvent tout parfait chez eux et qui aiment bien moins les vertus que les vices de leur pays.

Wolfgang s’appliquait surtout à être grossier de manières et en paroles. Dans une causerie, il ne laissait échapper aucune occasion de chercher la petite bête ; la tenait-il, il la jetait et la rejetait à la face de son interlocuteur, la roulant et la déroulant perpétuellement comme une ménagère allemande le bas qu’elle tricote.

D’assez belle taille, solidement bâti, il avait sur les épaules une vraie belle tête germaine, mais il n’était nullement fier de ses avantages. Un justaucorps de velours noir devait révéler au monde qu’il était artiste, tout aussi bien qu’un habit, et